Le quatrième siècle après Jésus Christ fut marqué par un changement théologique important. En effet, jusqu’alors, les Romains disposaient d’une multitude de divinités à la base des pratiques liturgiques. Les grandes décisions politiques s’accompagnaient constamment d’une consultation des dieux par le biais de la divination ou des oracles. Le polythéisme romain s’était nourri des dieux des peuples conquis (on pense surtout aux dieux grecs et égyptiens) et constituait la norme. L’adoration du dieu juif et chrétien – se présentant comme unique et exclusif – fut dès lors fortement réprimé. Or, en l’en 313, l’empereur romain Constantin attribua une de ses victoires décisives à la bénédiction du Christ et se convertit aussitôt à la religion chrétienne. Cette dernière devint alors autorisée voire encouragée. Il ouvrit ainsi la porte au développement de la secte chrétienne qui devint plus tard une des religions les plus influentes en Occident. L’importance idéologique de la religion chrétienne doit être soulignée car elle présente certaines caractéristiques qui modifièrent les rapports humains. Quelles sont ces caractéristiques ? D’abord se veut-elle universelle. La pensée chrétienne doit être diffusée à un maximum de personnes et la conversion (par le biais du baptême) ouverte à tous. Il s’agit d’une idéologie expansive, militante et propagandiste qui vise à transmettre un discours dogmatique sur le monde et les rapports humains. Globalement, ce discours encourage l’amour de son prochain, la tolérance, le pardon, l’humilité, la défense et la protection des plus faibles, l’aide aux plus démunis. Les préceptes chrétiens tournent autour du martyr de Jésus de Nazareth qui accepta de souffrir et de mourir pour racheter les péchés des êtres humains. Cette conception pacifiste et bienveillante contrasta avec le climat guerrier et violent des sociétés antiques. Vint également s’y adjoindre une valorisation de la vie après la mort : peu importe les souffrances et les malheurs dans la vie quotidienne puisqu’un bonheur parfait attend le chrétien décédé. Cette croyance permit ainsi de supporter de nombreux désagréments matériels avec stoïcisme, patience et détermination. Afin de favoriser le développement de l’idéologie chrétienne, l’empire romain mit en place une organisation et une hiérarchie religieuse au sein desquelles l’évêque occupait une place de supervision. L’évêque de Rome, le plus important, représentait – et représente encore aujourd’hui – l’unité de l’église catholique et porte le titre de pape. Le premier de ces papes fut l’apôtre Pierre. Cette organisation de l’église catholique, joua un rôle essentiel dans l’organisation politique du Moyen-âge en tentant de faire contre-poids avec la violence des pratiques guerrières.

Le paradigme chrétien et le questionnaire des modèles de justice

Dans notre questionnaire évaluant les modèles de justices, cinq items concernent le modèle chrétien. Le tableau suivant reprend ces cinq items.

Modèle chrétien
C1 Je suis d’accord avec l’adage « Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi la gauche ».
C2 Il faut pardonner et offrir une aide aux personnes qui font du mal aux autres.
C3 Il existe une justice divine, supérieure à celle des hommes.
C4 La vie en société serait plus simple si tous les hommes respectaient les préceptes dictés par dieu.
C5 Ma religion me donne des repères importants pour vivre en société, me respecter et respecter les autres.

Ces cinq items mesurent-ils un phénomène commun ? Il y a plusieurs moyens de répondre à cette question. D’abord en calculant l’alpha de Cronbach.

Dans ce cas-ci, il est égal à 0.62, ce qui est classiquement reconnu comme limite. Notons à ce titre que le paradigme chrétien rassemble des concepts parfois fort éloignés a priori : la croyance en un être supérieure ne va pas nécessairement de par avec la bienveillance vis-à-vis d’autrui.

Une deuxième méthode vise à calculer les corrélations entre chaque item mais également avec le score total.

##      C1    C2    C3    C4   C5    C
## C1 1.00  0.15  0.13  0.12 0.16 0.46
## C2 0.15  1.00 -0.02 -0.04 0.06 0.29
## C3 0.13 -0.02  1.00  0.60 0.63 0.78
## C4 0.12 -0.04  0.60  1.00 0.62 0.76
## C5 0.16  0.06  0.63  0.62 1.00 0.83
## C  0.46  0.29  0.78  0.76 0.83 1.00
## 
## n= 756 
## 
## 
## P
##    C1     C2     C3     C4     C5     C     
## C1        0.0000 0.0002 0.0008 0.0000 0.0000
## C2 0.0000        0.6804 0.2271 0.0914 0.0000
## C3 0.0002 0.6804        0.0000 0.0000 0.0000
## C4 0.0008 0.2271 0.0000        0.0000 0.0000
## C5 0.0000 0.0914 0.0000 0.0000        0.0000
## C  0.0000 0.0000 0.0000 0.0000 0.0000

On constate que chaque item est significativement corrélé (p < .001) avec le score total et que les items partagent des liens entre eux.

Une troisième méthode consiste à vérifier l’unidimensionalité des cinq variables à l’aide d’une analyse en composantes principales.

## 
## Loadings:
## [1] 0.78 0.76 0.82 0.18 0.02
## 
##                 MR1
## SS loadings    1.89
## Proportion Var 0.38

Notons que l’item C2 (qui fait référence à la notion de pardon aux personnes malveillantes) présente une saturation plus faible que les autres par rapport au facteur sous-jacent.

Ces cinq items permettent donc de calculer un score total qui varie théoriquement de 0 (si le participant répond Fortement en Désaccord aux cinq items) à 20 (si le participant répond Fortement d’Accord aux cinq items).

La figure précédente reprend la distribution des scores pour un échantillon de 756 personnes. La moyenne est égale à 6.56 et l’écart type égal à 3.7.