Pour l’être humain, vivre en société va de pair avec la notion de justice. En effet, dans chaque interaction sociale se pose la question de ce qui est juste (ce qui peut être fait) ou de l’injustice (ce qui ne peut pas être fait). Au départ, cette notion de justice se réglait de manière relativement informelle. Mais dès lors que les groupes humains grandirent, les règles de vie du groupe durent être précisées, définies et codifiées. La justice d’un groupe peut donc être vue comme une mise en pratique officielle d’un système de normes sociales.
De manière schématique, on pourrait dire qu’il existe deux catégories de comportements :
En fonction des endroits et des périodes, ces normes sociales diffèrent. En effet, certains comportements peuvent être autorisés en un lieu ou à une époque donnés mais pas en d’autres. Par exemple, se promener nu dans une galerie marchande peut faire l’objet de réprobation morale voire d’une sanction pénale alors que ce même comportement peut être encouragé sur une plage nudiste. De manière quelque peu arbitraire, nous allons circonscrire cette présente étude aux pays occidentaux. Ne seront dès lors pas abordés les contextes africains, asiatiques ou moyen-orientaux.
L’idée que nous défendons ici est que nos repères de justice sont héritiers d’un long cheminement au cours duquel un nombre incalculable de normes sociales ont coexisté de manière plus au moins compatibles. Nous proposons ici une lecture rétrospective de certaines de ces normes qui, à nos yeux, ont causé le nid de paradigmes fondamentaux. Nous posons ici l’hypothèse que certains groupes humains ont privilégié des systèmes de normes sociales qui ont marqué la civilisation humaine vue en tant que processus évolutif. En guise de repères historiques, voici quelques balises significatives à titre d’exemple :
Période | Types de règles | Caractéristiques |
---|---|---|
Préhistoire et antiquité | Premières règles de vie tribales | Les premières règles tentèrent de juguler les rivalités entre tribus en instaurant des hiérarchies de pouvoir. Par exemple, le roi peut exercer une violence au nom de l’ordre du groupe. Chaque groupe valorise et défende des coutumes ou des mœurs. |
Dès le Xème siècle avant JC | Sociétés antiques gréco-latines | Lorsque les groupes d’homo sapiens devinrent sédentaires, ils durent développer les stratégies de désamorçages des conflits en leur sein et développèrent des systèmes juridiques écrits (tels que le droit romain). |
Dès le VIème siècle après JC | Droit canonique | L’église catholique romaine tente d’imposer le dogme chrétien qui prône la paix, la charité, le contrôle de soi, en opposition avec les logiques guerrières ancestrales et les conceptions pré-chrétiennes. |
XVIIIème siècle après JC | Codes écrits : civils et pénaux | Après la révolution française, la justice d’inspiration religieuse perd en influence au profit d’une approche rationnelle héritière de la philosophie des Lumières. |
Ces différents systèmes de justice n’ont jamais complètement éradiqué les autres même si certains prenaient le pas sur les autres. Par conséquent, aujourd’hui, différentes manières de concevoir la justice coexistent de manière plus ou moins évidente. Parfois, ces différents modèles sont logiquement incompatibles l’un avec l’autre mais sont paradoxalement présents. Notre intention ici est de rendre ces différents modèles “visibles” afin qu’ils puissent faire l’objet d’une réflexion.